Je joins
ici un petit manuel pratique visant à donner quelques conseils à quiconque
serait désireux de vendre son âme d'artiste au grand capital, ou dans des
termes un peu moins léninistes, de privilégier l'intérêt financier à
l'inspiration. Cet article se veut polémique.
Leçon n°1 : Sortir
un premier album en béton.
Pochette
de l'album Youth & Young
Manhood (2003)
Douze chansons (dont une savamment cachée, hu hu), douze blocs.
Une voix criarde hors du commun, des guitares qui transpirent le bon vieux rock
sudiste, pas de doute sur le fait que les quatre Followill (trois frères et un
cousin) viennent tout droit de Nashville. Avec cette maquette, le bon rock
retrouve une seconde jeunesse, et les KoL, tout de jean vêtus, affichant
cheveux longs et moustaches dignes du Creedence Clearwater Revival de la grande
époque, ne peuvent que séduire. La preuve en image :
Molly's
Chambers
Leçon n°2
: Sortir un second album plus contrasté, mais sympa quand
même.
Douze chansons, 35 minutes d'écoute : premier hic. J'ai une règle
stupide, quand la moyenne des durées des chansons d'un album est sous la barre
des 3 minutes, eh bien je reste sur ma faim. Pour Aha Shake Heartbreak,
c'est le cas, mais en me rappelant que le premier album dure 45 minutes, avec 7
minutes de blanc à la fin de la onzième chanson, je me montre plus clément. Je
fais de même en ce qui concerne le style de l'album, beaucoup plus pop que son
grand frère. Les KoL évoluent, et s'il est triste de dire adieu aux bonnes
compositions sudistes, il faut avouer que le second album sonne plutôt bien et
laisse encore plus de place à la grande voix de Caleb Followill.
Pistol of
Fire
En visionnant, il ne vous aura pas échappé le fait que les KoL ont certes
évolué musicalement, mais aussi physiquement. En bien ou en mal, le débat reste
ouvert, pour ma part je regrette que le chanteur ait troqué sa 'stache contre
des oreilles d'elfe...
Enfin, quoi qu'il en soit, c'était le bon
temps.
Leçon n°3 : Sortir un troisième album encore plus contrasté, presque contestable.
Bon, jusque là on avait pardonné aux Kings of Leon leurs petits écarts de conduite, en gardant en tête le comportement exemplaire de leurs débuts. Mais là, c'est à croire que les américains testent notre patience !! La distorsion débridée a laissé place à la reverb entournante, et les arpèges de lycéen romantique, entrecoupés de riffs simplistes overdrivés à outrance, ont remplacé les bons gros accords de puissance. Bref, KoL abandonne le savoureux mélange de rock sudiste et de garage rock pour s'enterrer dans des sonorités beaucoup plus pop rock, voire post-punk. Mais le fait est que les Followill se montrent relativement talentueux dans ce qu'ils composent et l'album Because of the Times finit par ressembler à quelque chose.
Alors que fait-on ? Eh bien, on continue à leur pardonner, parce qu'on est sympa déjà, et qu'on a un bon a priori grâce au deux premiers albums... Et puis il y a quelques morceaux bons, tout de même, comme Black Thumbnail, ou Arizona... Bon, cette fois, ça passe pour Kings of Leon !!
Black Thumbnail, la chanson la plus hard de l'album
J'aurais pu vous mettre un morceau beaucoup plus foireux, du type On Call, mais mon but n'est tout de même pas de couler les Kings of Leon !
Leçon n°4 : Se maintenir dans le style de l'album précédent.
On aurait pu croire que Because of the Times était un faux pas, mais à l'écoute de Only by the Night, tous nos espoirs s'effondrent. Fini, le rock couillu, place à la chanson pop par excellence. Finies, les tignasses informes mais tellement 60's, les moustaches et barbes eaglesques, place aux cheveux soigneusement gominés, à la barbe de trois jours délicatement retouchée. Les KoL semblent désormais passer plus de temps à soigner leur apparence que leur inspiration.
Mais mon avis n'est pas celui de grand public, comme en témoigne le succès commercial incontestable de l'album... Qu'il en soit ainsi, il faut tout de même avouer que certaines harmonies sont plaisantes à entendre, et puis, on ne peut pas reprocher ici au groupe de ne pas évoluer...
Sex on Fire
Leçon n°5 : Se maintenir encore dans le style de l'album précédent.
On ne pouvait pas reprocher aux Kings of Leon de ne pas évoluer. Maintenant si. Je vous épargne une nouvelle écoute de chanson tirée de Come Around Sundown, qui ne ressemblerait encore que pâlement à la précédente... Quoique, il y a une chanson sympatoche qui mérite d'être entendue, tout de même. Musique :
Back Down South
Pour résumer ce long article, disons que c'est un sentiment très humain, d'en vouloir aux Kings of Leon. En effet, les quatre garçons nous ont laissé espérer, en 2003 à la sortie de leur tout premier album, un renouveau du rock sudiste, viril à souhait. Et puis, tout doucement, comme si de rien n'était, ils se sont installés dans un registre bien plus pop, laissant de côté les complaintes du bon vieux gars du sud pour les mièvres ballades sentimentales (souvent vues et revues).
En une phrase, les KoL ont progressivement préféré aux fans de leurs débuts le public beaucoup plus fourni d'amateurs de musique "commerciale" ; il évident que les ventes d'albums ont dû grimper en flèche après ce choix stratégique. Et moi, pauvre fan de la première heure, je n'ai plus qu'à attendre chaque nouvel album avec l'espoir d'un retour aux sources des Followill.
Ce qui me dérange le plus avec les KoL c'est que j'ai toujours l'impression qu'ils ont été dans le "business" musical pour le fric. Leur CreedenceClearwaterRevivalLikeStyle (en un seul mot) se voulait une légitimation de leurs racines sudistes, pour capter l'attention de la fanbase old-school. Alors certes tout ca est bien beau, mais on est quand meme loin d'un Lynyrd Skynyrd, Foghat ou meme Humble Pie : c'est satisfaisant musicalement parlant, mais ça n'apporte franchement rien de neuf au genre. en d'autres termes, on (un "on" impersonnel, pour un groupe impersonnel!) a simplement réactualisé le style pour étancher une soif passéiste omniprésente.
RépondreSupprimerLeur désévolution était à mes yeux inscrite en lettres de plomb sur la liste des évidences, juste entre la défaite de Francois Bayrou et la nullité d'un live de Metallica. On capte un public, puis on l’emmène avec nous dans nos tribulations commercialo-musicalo-commerciales (ai-je précisé le coté commercial?), un concept marketing vieux comme le monde, qui encore une fois frappe l'innocent monde de la musique.
Pourtant, nous, les zicos, on lui a rien demandé au marketing...