06/03/2012

Gardez la foi, Faith no more est là



          FAITH NO MORE ? Mais un véritable petit laboratoire musical, ma petite dame ! Une congrégation de fous monstrueusement compétents et piqués d'originalité, révolutionnaires et iconoclastes. FAITH NO MORE c'est un peu comme les pochettes surprises, mais en beaucoup plus excitant : on met le papier en lambeaux et on se jette sur le cadeau dont on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre. Et la formule marche une fois de plus après deux albums incontournables, références des années 90's ("The Real Thing" et "Angel Dust").
           "King For A Day, Fool For A Life Time", c'est un festival de sons volages, qui s'en vont forniquer dans tous les recoins de la ville, et en reviennent chargés d'expériences et de vécus qu'ils nous livrent généreusement, avec le désordre qui accompagne naturellement ceux qui aiment à se surprendre eux-mêmes, et les autres par la même occasion. Difficile en effet de faire plus varié que ce "King For A Day" ! Vous en connaissez beaucoup, vous des formations qui sont capables d'enchaîner des morceaux cartons et menaçants ("Get Out", "Cuckoo For Caca", "Ugly In The Morning"), des ballades (la touchante "Just A Man" et ses chœurs féminins, la quasi Country "Take This Bottle"), des perles imparables et irisées de rayons sombres et/ou lumineux ("Ricochet", "The Gentle Art Of Making Enemies", ses guitares lourdes comme un matin orageux, sa basse supportant des voix trafiquées, et son refrain somptueux et prenant) ?
           Et ces tueries au goût entêtant de "revenez-y" que sont "What A Day" ou le single "Digging The Grave", monstrueux tube en puissance ? Et ces morceaux uniques que seul FAIH NO MORE pouvait composer : l'apaisant et nocturne "Caralho Voador", "Star A.D." et sa coloration Joe Cocker sous acides, avec ses cuivres étonnants, ou encore "Evidence" et son parfum irrésistible de bar de nuit, calme et intimiste, avec pour seul repère la fumée d'une cigarette auréolant la silhouette de femmes gracieuses accompagnant Mike Patton dans sa prestation ?


                                         
           Non, moi je ne connais pas d'autres groupes pour se lancer, la jouissance vissée au cœur et au corps, dans une entreprise aussi risquée, et dont les vapeurs de danger se font d'autant plus périlleuses que le disque semble ne suivre aucune logique, les ambiances et morceaux s'enfilant sans que l'auditeur puisse se rattacher au plus infime lien logique. Une démarche sonnante, qui laisse exsangue, mais oh combien ravi ! Comblé même.
           Oh que oui, non seulement FAITH NO MORE nous réjouit par son inspiration déjantée et fertile en aventures insolites, mais encore nous offre-t-il l'opportunité rare de savourer à fond cette expérience, du fait de la qualité de son interprétation. Et oui, en plus d'être de talentueux compositeurs, ces mecs sont de fichus musiciens terriblement doués et exercés, ce qui écarte d'office tout risque d'une prétention se cassant les dents sur l'obstacle d'une présomption de compétence (et infirmée par les faits). Pas de ça ici !
           Ces mecs là, ce sont des tueurs, de redoutables instrumentistes, qui se sont donnés les moyens de leurs ambitions ! La basse de Billy Gould, omniprésente et bien métallique, s'associe au feeling inestimable de Mike Bordin, instaurant un groove énorme, tandis que les guitares de Trey Spruance construisent des architectures d'émotions fortes, globalement profondes et sombres, lourdes ou affinées. Roddy Bottum se charge, lui, d'assurer l'atmosphère et décoche toujours ses parties de synthés pertinentes et osées.
           Reste le cas Patton, Le chanteur, l'homme de la situation, celui dont la folie totalement palpable achève de hisser le groupe dans une strate où il règne en seul monarque. Maître des expérimentations les plus extrêmes, Patton est éblouissant, cabot parfois, terrifiant dans ses tentatives magistrales d'approfondissement de son champ extrême, bouleversant quand il s'agit de nous convier au partage d'un peu de naïveté ou de gaieté contagieuses. Inimitable, indéfinissable, sans limite, Patton éclabousse ce disque de sa classe folle et finit de nous convaincre que nous sommes là en présence d'un grand, d'un très grand monsieur.
           Avec ce "King For A Day", FAITH NO MORE bouclait une trilogie tout bonnement incontournable, et signait un disque sombre, beau, clinquant, agressif, d'une variété phénoménale, doté d'une production idoine et léchée, impeccable, travaillée dans tous les plus infimes recoins. Une réussite totale. Un groupe à part, pour un disque inoubliable.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire