FAITH NO MORE ? Mais un véritable
petit laboratoire musical, ma petite dame ! Une congrégation de fous
monstrueusement compétents et piqués d'originalité, révolutionnaires et
iconoclastes. FAITH NO MORE c'est un peu comme les pochettes surprises,
mais en beaucoup plus excitant : on met le papier en lambeaux et on se
jette sur le cadeau dont on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre.
Et la formule marche une fois de plus après deux albums incontournables,
références des années 90's ("The Real Thing" et "Angel Dust").
"King For A Day, Fool For A Life Time", c'est un festival de sons
volages, qui s'en vont forniquer dans tous les recoins de la ville, et
en reviennent chargés d'expériences et de vécus qu'ils nous livrent
généreusement, avec le désordre qui accompagne naturellement ceux qui
aiment à se surprendre eux-mêmes, et les autres par la même occasion.
Difficile en effet de faire plus varié que ce "King For A Day" ! Vous en
connaissez beaucoup, vous des formations qui sont capables d'enchaîner
des morceaux cartons et menaçants ("Get Out", "Cuckoo For Caca", "Ugly
In The Morning"), des ballades (la touchante "Just A Man" et ses chœurs
féminins, la quasi Country "Take This Bottle"), des perles imparables et
irisées de rayons sombres et/ou lumineux ("Ricochet", "The Gentle Art
Of Making Enemies", ses guitares lourdes comme un matin orageux, sa
basse supportant des voix trafiquées, et son refrain somptueux et
prenant) ?
Et ces tueries au goût entêtant de "revenez-y" que sont "What A Day" ou
le single "Digging The Grave", monstrueux tube en puissance ? Et ces
morceaux uniques que seul FAIH NO MORE pouvait composer : l'apaisant et
nocturne "Caralho Voador", "Star A.D." et sa coloration Joe Cocker sous
acides, avec ses cuivres étonnants, ou encore "Evidence" et son parfum
irrésistible de bar de nuit, calme et intimiste, avec pour seul repère
la fumée d'une cigarette auréolant la silhouette de femmes gracieuses
accompagnant Mike Patton dans sa prestation ?
Non, moi je ne connais pas d'autres groupes pour se lancer, la
jouissance vissée au cœur et au corps, dans une entreprise aussi
risquée, et dont les vapeurs de danger se font d'autant plus périlleuses
que le disque semble ne suivre aucune logique, les ambiances et
morceaux s'enfilant sans que l'auditeur puisse se rattacher au plus
infime lien logique. Une démarche sonnante, qui laisse exsangue, mais oh
combien ravi ! Comblé même.
Oh que oui, non seulement FAITH NO MORE nous réjouit par son inspiration
déjantée et fertile en aventures insolites, mais encore nous offre-t-il
l'opportunité rare de savourer à fond cette expérience, du fait de la
qualité de son interprétation. Et oui, en plus d'être de talentueux
compositeurs, ces mecs sont de fichus musiciens terriblement doués et
exercés, ce qui écarte d'office tout risque d'une prétention se cassant
les dents sur l'obstacle d'une présomption de compétence (et infirmée
par les faits). Pas de ça ici !
Ces mecs là, ce sont des tueurs, de redoutables instrumentistes, qui se
sont donnés les moyens de leurs ambitions ! La basse de Billy Gould,
omniprésente et bien métallique, s'associe au feeling inestimable de
Mike Bordin, instaurant un groove énorme, tandis que les guitares de
Trey Spruance construisent des architectures d'émotions fortes,
globalement profondes et sombres, lourdes ou affinées. Roddy Bottum se
charge, lui, d'assurer l'atmosphère et décoche toujours ses parties de
synthés pertinentes et osées.
Reste le cas Patton, Le chanteur, l'homme de la situation, celui dont la
folie totalement palpable achève de hisser le groupe dans une strate où
il règne en seul monarque. Maître des expérimentations les plus
extrêmes, Patton est éblouissant, cabot parfois, terrifiant dans ses
tentatives magistrales d'approfondissement de son champ extrême,
bouleversant quand il s'agit de nous convier au partage d'un peu de
naïveté ou de gaieté contagieuses. Inimitable, indéfinissable, sans
limite, Patton éclabousse ce disque de sa classe folle et finit de nous
convaincre que nous sommes là en présence d'un grand, d'un très grand
monsieur.
Avec ce "King For A Day", FAITH NO MORE bouclait une trilogie tout
bonnement incontournable, et signait un disque sombre, beau, clinquant,
agressif, d'une variété phénoménale, doté d'une production idoine et
léchée, impeccable, travaillée dans tous les plus infimes recoins. Une
réussite totale. Un groupe à part, pour un disque inoubliable.
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