20/03/2013

Hier, Demain, Bowie



Le néant pendant 10 ans. On disait Bowie à l'agonie, proche d'une mort précoce plus que probable après une carrière de 40 ans émaillée par autant d'années d'excès en tous genres. A défaut d'avoir conservé son goût pour la démesure, l'ex-Thin White Duke a su garder l'appétit du succès. Et c'est avec un album brumeux, moins inspiré par les docks de sa ville que par ses souvenirs de Berlin, que le Londonien se rappelle au bon souvenir de sa plus faste période pour régner à nouveau, et pour la dernière fois peut-être, sur les charts mondiaux. 

Pourtant il faut avouer que The Next Day porte très mal son nom, tant Bowie réutilise l'image et les styles qu'il s'est créés ou appropriés par le passé. A commencer par la pochette, réutilisation ironique de Heroes, un de ses plus célèbres albums, comme si Bowie voulait faire une croix sur son passé glorieux. Pourtant les 50 minutes du disque, ponctuées par des raccourcis plus ou moins évidents vers sa carrière passée, mettent immédiatement court à tout enterrement d'une carrière quarantenaire, comme pouvait le suggérer le conceptuel artwork de couverture.


Premier titre du premier miracle musical de 2013, The Next Day aurait très bien pu sortir en 1980, en plein milieu de la tracklist du dernier chef d'oeuvre de Bowie, Scary Monsters. Dans ce véritable Retour Vers Le Futur musical, Dirty Boys rappelle ses collaborations effectuées avec son protégé Iggy Pop, Valentine's Day sonne comme le glam-rock des débuts, How Does The Grass Grow se réfère à sa pop des années 80 et Dancing Out In Space arbore fièrement de nombreuses stigmates de la new-wave. Et malgré une association avec son producteur de toujours, Tony Visconti, The Next Day évite la désuétude et se veut résolument moderne, Bowie arrivant même à masquer son âge avancé avec une voix toujours aussi particulière et toujours aussi incroyable. 


Malgré de très bons titres (The Next Day, The Stars Are Out (Tonight) et son incroyable clip introspectif), l'album n'atteint évidemment pas les sommets côtoyés par Bowie pendant la décennie 70, même si cela n'est pas une surprise. Cependant, Bowie assume une nouvelle fois son statut de légende de la pop avec un disque que peu de personnes pourraient se permettre de faire à l'âge de la retraite.

S.

28/02/2013

Sombre hommage

La nouvelle n'est évidemment pas passée inaperçue : Daniel Darc est décédé ce jeudi 28 février 2013. La France perd donc un de ces derniers grands compositeurs de talent, après avoir dit "Adieu" à Bashung il n'y a pas si longtemps que cela. 

Ex-chanteur de Taxi Girl, célèbre pour sa poésie sombre autant que pour ses bras entièrement tatoués en noir ou encore ses "coups d'éclats" caractériels, comme ce concert donné en première partie des Talking Heads où il s'était tranché les veines pour faire réagir la foule... Personnage tragique mais éclairé par ses inspirations subites, il est parti de manière aussi inattendue qu'étaient arrivées ses idées et ses paroles lumineuses, bien que ses diverses frasques et abus en tous genres ne pouvaient qu'annoncer une fin terrible.

25/02/2013

La nouvelle new-wave



Nouvel épisode neigeux sur la France. A défaut de regarder la météo, il suffit d'ouvrir ses volets pour observer le phénomène et de s'approcher du radiateur pour le contrer. Mais en cette fin d'hiver particulièrement rugueux où la facture EDF s'annonce de plus en plus noircie par le charbon brûlé ces derniers mois pour se réchauffer - tout le monde n'ayant pas encore franchi le double vitrage de l'efficience énergétique -, il faut trouver d'autres solutions pour se réchauffer. Direction donc le Brésil, ses plages, son carnaval et la bossa nova.

Arrêtons tout de suite la supercherie, la bossa nova est loin d'être mon verre de cachaça, l'équivalent brésilien de notre tasse de thé. La new-wave l'est en revanche beaucoup, et c'est pourquoi s'attarder sur le travail des Français de Nouvelle Vague ne relève pas d'une perte de temps. Un seul crédo : reprendre les tubes de la new-wave, souvent froide, dans une version beaucoup plus chaude et sensuelle car passée dans le filtre de la bossa nova, avec ses rythmiques lentes mais dansantes et ses voix suaves. 

S'il y a bien évidemment quelques ratés dans cette entreprise aussi passionnante qu'hasardeuse, il n'en reste pas moins quelques merveilles qui ont le mérite de nous faire redécouvrir les plus grands morceaux de la new-wave dans une version ensoleillée, alors que les originaux brillaient plutôt par leur noirceur issue des quartiers industriels de l'Angleterre du Nord, ce qui crée souvent un décalage étonnant entre des paroles inchangées et des instrumentaux éclairés. Et en cadeau, le doux bruit des vagues est offert.





S.




14/02/2013

14 février obligeant...

... c'est l'heure de la playlist Saint-Valentin ! Pas de blabla inutile entre les roses, les chocolats ou... rien du tout (il faut penser à tout le monde) mais simplement deux chefs d'oeuvres de la musique qui, au delà de partager le même titre, nous offrent une même vision de l'amour, tout en pensant très fort à nos oreilles. Et parce que c'est la fête de l'amour, je passe sous silence le le morceau homonyme de Justin Bieber.





S.


13/02/2013

Foals rallume la flamme



Si Alt-J, avec ses quelques trop courtes fulgurances, a bien essayé de sauver une année musicale 2012 bien terne, il fallait, de toute évidence, attendre l'arrivée du nouvel an chinois pour définitivement oublier le mauvais millésime 2012. Alors que sont annoncés les retours d'Arcade Fire, des Strokes, de Vampire Weekend et de MGMT (parmi d'autres), on se dit que 2013 ne peut être que plus belle et plus riche. Et parmi tout ce beau monde invité, c'est aux Anglais de Foals que revient le privilège d'allumer la flamme olympique signifiant le début des hostilités.

Si j'ai toujours été convaincu par Foals, je n'ai en revanche jamais été entièrement conquis : Antidotes fut et reste un excellent premier album, énergique et survitaminé mais  trop mal canalisé pour marquer durablement nos mémoires de ses refrains exécutés à cent kilomètres/heure. Son sucesseur, Total Life Forever, annonçait à nouveau une explosion de vie de toutes parts, avec son nom d'une grandiloquence grotesque. Pourtant, il avait surpris par son émotion, en gardant les rythmiques précises qui avaient façonné le style Foals. Jackpot ? Eh bien non, car à trop vouloir jouer sur la corde sensible, le fil finissait par se tordre et après une première moitié d'album quasi-parfaite, la deuxième partie d'album paraissait, au mieux, bien fade.

Qu'attendre alors de ce troisième disque ? Un remake sentimentale de Total Life Forever ? Un retour aux sources nerveux ? Un hybride idéal ?


Le prélude démarre et déjà les deux guitares du groupe s'entremêlent toujours avec autant de perfection, précises comme un scalpel qui opère et précieuses comme le coeur opéré. La tension monte en même temps que les pulsations cardiaques ralentissent : l'album est à peine commencé qu'il est déjà temps de prendre une profonde inspiration pour l'étouffant Inhaler, le morceau suivant et surement le meilleur morceau des 49 minutes de ce disque. Les musiciens d'Oxford expérimentent, de façon inédite, une violence étouffante. Les porteurs du feu sacré se transforment en cavaliers de l'Apocalypse brûlant tout sur leur passage, bien aidés par un impressionnant mur sonore d'où peine à s'extraire la voix de Yannis Philippakis. Les guitares incisives deviennent lourdes et grasses, franchissant presque le Rubicon du hard-rock. Surprenant, intense, suffocant... Néron a mis le feu à Rome.


Pas le temps de reprendre son souffle puisque le groupe enchaîne directement avec le single en puissance de l'album, My Number. Du rythme, de l'émotion, des changements d'intensité : My Number résume toutes les capacités des Anglais en 3 minutes 30 et conserve l'espoir d'un album parfait de bout en bout.

Mais voilà que les nuages arrivent et la pluie se met à éteindre l'incendie. Foals retombe non pas dans la médiocrité, mais dans l'indifférence : les morceaux suivants sont bons, travaillés - léchés même - mais rien n'y fait : jusqu'à l'intime Milk & Black Spiders et le terrible Providence qui s'amuse avec nos nerfs, on écoute sans écouter, on en profite sans adorer. L'album est bon, c'est une certitude mais, comme les précédents opus, il manque la petite touche décisive qui ferait passer Foals dans la cour des très grands. En attendant, ils agiteront sans problème les plus grandes salles et on profitera comme ils se doit des grandioses fulgurances qui illuminent Holy Fire


S.

10/02/2013

1979 : Quand le petit Michael rencontre Quincy

Depuis le 10 août 1979, il est de notoriété commune que s'afficher dans son plus beau smoking de soirées de promesses de dons pour les prochaines primaires démocrates, ce devant un mur en brique rouge dénudé directement emprunté aux banlieues londoniennes, est une des plus belles preuves de bon goût qui soit. Louanges à l'instigateur d'un tel art de vivre, j'ai nommé M. Michael Jackson. Jugez vous-même :


Alors, convaincus ? Permettez-moi en revanche de vous faire grâce de l'image des bas blancs scintillants du gaillard, qui voudrait nous faire croire qu'enfiler nos paires de chaussettes Décathlon blanches flambant neuves fera de nous les stars de la soirée de promesses de dons que nous évoquions tout à l'heure...

Trève de bavardages à propos des choix vestimentaires, parfois avant-gardistes, de l'ami Michael. S'il a choisi de s'afficher en smoking devant un mur de briques, c'est avant tout pour orner la pochette d'un album qui fait parler de lui depuis maintenant 33 ans : Off the Wall.

Off the Wall, 12 chansons, - subtil mélange de soul, de disco, de R&B et de pop music - est le tout premier album d'un Michael Jackson fraîchement majeur et émancipé de l'influence pesante de son entourage familial. Âgé de 21 petites années, avec 15 ans de carrière bien tassée derrière lui déjà, le chanteur devait bien se garder d'un premier faux pas dans la cour des grands. C'est à ce moment là que le choix porté sur Quincy Jones comme producteur de l'album et mentor de l'apprenti Michael se révèle simplement prodigieux.

Issu d'un milieu davantage jazz, en arrangeant certaines pépites de Frank Sinatra ou Duke Ellington, le producteur met toute sa précision au service des compositions et reprises apportées par Michael Jackson. La créativité de l'un et le professionnalisme de l'autre constituent les deux ingrédients essentiels pour faire d'Off the Wall une véritable sucrerie de soul ornée d'un nappage délicieusement rétro pour cette fin de décennie 1970, à l'image du clip de la chanson ouvrant l'album, Don't Stop 'til You Get Enough.


Au-delà d'un style général en dehors des sentiers maintes fois battus par les régiments d'artistes de la Motown, Off the Wall est un bijou de virtuosité instrumentale. Et les musiciens appelés à la rescousse par Quincy Jones, à savoir entre autres Paul McCartney et Louis Johnson, un des meilleurs bassistes funk de tous les temps, ne sont pas étrangers à ce phénomène. La preuve en musique avec l'ovni bassistique Get on The Floor, qui n'a pas fini de traumatiser les nouvelles générations de joueurs de 4 cordes.


Off the Wall signe le début d'une nouvelle ère, celle de la collaboration prolifique entre Jackson et Jones, couple duquel naîtront deux autres magnifiques bébés, Thriller et Bad, petits frères d'Off the Wall, aîné ô combien réussi. Entre ces trois opus, le nez, le menton et la peau de Michael Jackson changent un tantinet, mais la recette reste la même : brouiller les pistes, varier les genres et les influences, pour finalement bâtir un style unique, la légende MJ, diablement populaire, outrageusement off the wall.

N.B.

07/02/2013

La "shaque d'amour"



Personne (ou presque) n'a gardé un très bon souvenir des années 90s. Seuls le grunge et Nirvana au début puis la guéguerre pour le royaume de la Britpop entre Oasis et Blur ont sauvé des années 90 coincées entre l'ascension des boys bands, l'apogée de la techno offerte à nos oreilles par les grandes messes que furent les rave-parties et par l'arrivée de gamines de 16 ans qui pensent être de grandes chanteuses. Oops, I did it again. Mais les années 90, c'est aussi un carnaval permanent, avec des couleurs chatoyantes assorties sans aucun goût dans notre garde robe. Et, sur ce point, les Atlantans des B-52s font figure de précurseurs.


Graphisme cheap, look...hum...terrible et attitude totalement décalée font que le groupe n'avait que très peu d'arguments marketing à mettre en avant pour promouvoir leurs singles, malgré quelques pépites aussi inexplicables et extravagantes que convaincantes (Planet Claire, Rock Lobster...). Mais voilà qu'à l'aube des années 90, le soleil se lève enfin pour ces Américains désaxés, avec plus d'un million de copies vendues de l’entraînant Love Shack. Comme si l'inconscient collectif avait compris que ce feu d'artifice de couleurs criardes deviendrait, les années suivantes, la nouvelle norme.

Véritable déluge d'explosions musicales, Love Shack est la chanson parfaite pour se lever le lundi matin. C'est vif, pétillant, le refrain est accrocheur et ça part dans tous les sens, entre le phrasé caricatural du chanteur et ses deux choeurs féminins à l'énergie débordante. On met le casque, on écoute, on enlève le casque, on ressort décoiffé. Atypique et à l'apparence totalement déconstruit, Love Shack est pourtant un single incroyable qui, malgré ses sons colorés passés de mode, mériterait un autre sort que d'être seulement repris dans la série Glee...

S.